Il est 7 h. Votre réveil sonne. Vous vous apprêtez à vous lever, mais vous vous sentez encore fatigué. Vous ressentez une certaine raideur dans tous les muscles de votre corps. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Quelquefois, ça passe dans la journée. Sinon, c’est continu.
Cela peut être évocateur de fibromyalgie ou syndrome fibromyalgique. Cette maladie peu reconnue par le milieu médical est sujette à de nombreuses controverses. L’ensemble de ses symptômes est souvent remis en question, le diagnostic est tardif, et le besoin de prise en charge est sous-estimé. Créant entre patient et soignant incompréhension et frustration.
Pourquoi cette pathologie est-elle au cœur d’un débat ? Comment se manifeste-t-elle ? Comment la traiter ?
On vous dit tout sur la fibromyalgie.
La fibromyalgie, une maladie qui impacte la vie quotidienne
Tout d’abord, mettons des mots sur cette affection chronique caractérisée par l’association de symptômes physiques et psychiques.
Il n’existe que très peu de chiffres concernant le syndrome fibromyalgique. Mais, selon l’Assurance Maladie, 2 % de la population européenne en serait atteinte. En France, 1,5 million de personnes sont victimes de la fibromyalgie. Aussi, 80 % des cas sont des femmes âgées de 30 à 55 ans.
Les symptômes les plus fréquents sont :
- Des douleurs musculaires et articulaires permanentes, dont l’intensité peut être augmentée par le froid, l’humidité, le stress ou les émotions
- Une raideur musculaire matinale qui peut s’estomper au cours de la journée ou se manifester à nouveau suite au maintien d’une position prolongée
- Une fatigue intense, qui peut varier en fonction des personnes – le moindre effort, une activité physique ou simplement le fait de rester debout peut devenir un réel défi
- Des troubles du sommeil : difficultés d’endormissement, réveils nocturnes, sommeil peu réparateur, fatigue dès le réveil…
- Une atteinte cognitive, qui se manifeste par des troubles de la mémoire, une difficulté à se concentrer
Le symptôme que l’on retrouve chez tous les patients est la douleur chronique. Les autres sont différents d’une personne à l’autre, ils peuvent évoluer et se manifester de plusieurs façons.
Mais, pour chacune des personnes atteintes de ce syndrome, la qualité de vie est altérée : difficultés à réaliser les activités quotidiennes autant personnelles que professionnelles pouvant déboucher sur un isolement social ou un repli sur soi même.
Aussi, la fibromyalgie est souvent associée à des troubles psychologiques tels que : des troubles anxieux graves, des crises de panique, des troubles obsessionnels compulsifs (TOC), des épisodes dépressifs, des troubles de la personnalité, un syndrome de l’intestin irritable ou de fatigue chronique, un syndrome des jambes sans repos, une apnée du sommeil, ou encore un syndrome de Gougerot-Sjögren (sécheresse de la bouche, des yeux et des muqueuses génitales).
Si la fibromyalgie ne présente pas de complications graves ou mortelles, elle peut vite devenir un handicap lourd, et impacter la vie des patients. Victime parfois d’isolement social, on remarque qu’une personne fibromyalgique présente des symptômes de dépression et d’anxiété 4 fois plus souvent que la population en général.
Une pathologie encore incomprise aux traitements limités
Des causes hypothétiques
Les causes de cette pathologie ne sont encore pas connues, mais des hypothèses commencent à apparaître.
La plus probable est le dysfonctionnement de certaines zones du cerveau chargées de percevoir et d’analyser la douleur. On remarque deux troubles :
- L’allodynie : une personne fibromyalgique est sensible à une stimulation qui est normalement indolore
- L’hyperalgésie : une douleur est ressentie plus rapidement et plus fortement que la normale
D’autres facteurs pourraient aussi être à l’origine du syndrome fibromyalgique :
- Une mauvaise tolérance du stress
- Des troubles du sommeil présent avant l’apparition du syndrome et qui pourraient en réalité être la cause et non un symptôme
- Des facteurs prédisposant : dépressions, contexte de vie difficile
- Un traumatisme physique ou psychique : accouchement, accident, décès d’un proche, rupture affective, infection virale sévère…
Du fait de cette mauvaise connaissance des causes, il est difficile de poser un diagnostic et mettre en place des actions de prévention contre la fibromyalgie. Mais il est préconisé de faire attention à son hygiène de vie afin de limiter son intensité si celle-ci venait à se manifester.
Un traitement non médicamenteux privilégié
Cela a aussi comme conséquence un traitement difficile à mettre en place. En effet, les causes étant inconnues, il n’existe pas de traitements médicamenteux.
Souvent, c’est sur les symptômes que le traitement va agir.
Le but est de :
- Diminuer le syndrome douloureux
- Diminuer la fatigue chronique qui peut être ressentie
- Améliorer le sommeil du patient
Cela nécessite donc de s’adapter à chaque patient afin de cibler ce qui est le plus handicapant.
Le traitement non médicamenteux est privilégié.
Un suivi régulier avec le médecin traitant permet d’adapter les solutions en fonction des évolutions de la maladie et de garder le patient motivé.
Il faut cependant être lucide : malgré tous les efforts qui seront fournis, il est impossible de faire disparaître entièrement les symptômes. Mais, plus la maladie est prise en charge tôt, moins elle sera un handicap au quotidien. C’est assez paradoxal quand on sait que le diagnostic est long à être posé.
La prise en charge non médicamenteuse repose sur un point essentiel : l’activité physique.
Bien entendu, elle doit être adaptée à chaque patient, à ses douleurs et ses capacités. Depuis mars 2017, le médecin peut la prescrire.
Le patient doit être conscient de ses symptômes et acteur dans sa réhabilitation physique. Une pratique régulière de 30 minutes par jour (dans l’idéal) a des bénéfices multiples :
- Diminution des douleurs
- Diminution de la fatigue et du stress
- Augmentation de la mobilité
- Amélioration de son sentiment de bien-être
Aussi, pour certains patients une prise en charge psychologique est nécessaire.
En complément, les antalgiques constituent le principal traitement médicamenteux. Pris de manière ponctuelle, ils calment la douleur quand elle devient insupportable. Compte tenu de leurs nombreux effets indésirables (nausées, vomissements, vertige, somnolence…), il est important de peser le pour et le contre avec son médecin.
Si, au bout de 4 à 6 mois, les actions thérapeutiques ne sont pas efficaces , ou si un patient développe une forme sévère avec un impact important sur ses activités quotidiennes, une prise en charge pluridisciplinaire s’avère indispensable. Le médecin fait appel à un spécialiste, tel qu’un rhumatologue par exemple.
Il est essentiel de rappeler que la prise en charge de la fibromyalgie est globale et personnalisée à chaque patient et votre participation est importante. En changeant votre mode de vie et en adoptant une meilleure hygiène de vie, vous vivez mieux avec votre pathologie.
Des patients souffrant d’une errance diagnostique
Bien que reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1992, la fibromyalgie a fait son entrée à l’Académie nationale de médecine en France en 2006 seulement. Et c’est en 2010 que la Haute Autorité de Santé (HAS) a réalisé ses premières recommandations de prise en charge.
Comment le diagnostic de la fibromyalgie est-il posé ?
Le diagnostic est souvent réalisé avec votre médecin généraliste, un psychiatre ou un rhumatologue. Il repose sur un recueil de données cliniques : lors d’une consultation, le médecin interroge et examine le patient.
Il doit rechercher un ensemble de symptômes :
- Douleur présente sur l’ensemble du corps (à droite et à gauche, au-dessus et au-dessous des hanches) depuis plus de 3 mois
- Douleur dans la colonne vertébrale
- Douleur à la pression de 18 points du corps défini (épaules, cou, creux des reins…), sur ces 18 points, minimum 11 sont douloureux chez le patient fibromyalgique.
Le questionnaire FIRST permet d’aider le médecin à poser son diagnostic.
Ensuite, le patient doit réaliser des examens complémentaires pour écarter toutes les autres pathologies qui peuvent entraîner des symptômes similaires à celles de la fibromyalgie (arthrose, polyarthrite rhumatoïde…).
Une errance diagnostique
Le patient peut attendre des années avant d’avoir un diagnostic. Années pendant lesquelles les douleurs chroniques peuvent être invalidantes.
C’est l’absence de marqueurs biologiques qui rend ce diagnostic si difficile à poser. Le médecin se sent souvent désarmé face à un patient souffrant d’une pathologie invisible pour l’un et bien présente pour l’autre.
La conséquence ? Des examens médicaux nombreux, des consultations répétées auprès de différents spécialistes, des visites fréquentes pour des soins multiples. Pouvant entraîner un absentéisme régulier au travail et un coût important, humain et financier pour le patient.
En 2020, le ministère des Solidarités et de la Santé a demandé à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de réaliser une expertise collective afin d’améliorer le parcours de soins, la recherche et surtout la qualité de vie du patient atteint de fibromyalgie.
Le rapport propose 12 actions à mettre en place autour de 4 piliers incontournables :
- Mieux informer
- Diagnostiquer plus précocement
- Mieux structurer la filière de prise en charge de la douleur chronique
- Renforcer la recherche sur la douleur chronique et la fibromyalgie
Ainsi, cela devrait permettre aux patients atteints de fibromyalgie d’être diagnostiqués plus rapidement et d’agir de manière précoce afin de limiter les effets néfastes de la pathologie sur le quotidien.
Ce mercredi 12 mai, c’est la 28ème journée mondiale de la fibromyalgie. Pour en savoir plus sur cette maladie encore mal connue, rendez-vous sur le site de l’association FibromyalgieSOS.
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