Une enquête expérimentale menée auprès des professionnels de santé dans les Hauts-de-France a convaincu plus du tiers des infirmières libérales non-vaccinées en 2018-2019 à le faire en 2019 et, même, à promouvoir la vaccination antigrippale autour d’elles cet automne. Un résultat obtenu a priori grâce à l’intégration dans le questionnaire des approches d’engagement issues des sciences humaines et sociales.
L’enquête mise au point par la start-up lilloise Heroic santé ne vise pas à évaluer la couverture vaccinale ou la position des professionnels de santé sur la vaccination antigrippale.
Il s’agit plutôt de vérifier si « on peut créer un outil efficace permettant de (les engager) à se faire vacciner et à devenir promoteurs de la vaccination auprès de leurs confrères, leurs patients ou leurs proches », explique Philippe Mougin, président de la société.
Les questionnaires ont été envoyés durant l’été 2019 à 13000 professionnels de santé des Hauts-de-France, dont 10000 infirmiers libéraux. Sur les 1204 (9,3%) qui ont répondu, les idel (397) représentent forcément le plus grand nombre de répondants (33%)*. Les résultats globaux montrent une efficacité importante du « questionnaire ».
Si, sans surprise, les professionnels de santé déjà vaccinés comptent se faire de nouveau vacciner en 2019, 28% des « non vaccinés » en 2018 indiquent vouloir se faire vacciner cette année et 65% d’entre eux souhaitent faire la promotion de la vaccination autour d’eux.
37% de « convertis »
Le taux de vaccination des infirmiers libéraux (71%) est proche de la moyenne des répondants. Les vaccinés le font d’abord pour protéger les personnes fragiles, leur entourage et eux-mêmes. 99% d’entre eux s’engagent à se vacciner à nouveau en 2019 et 62% à inciter leurs collègues à le faire.
Les idel sont les professionnels non vaccinés l’année dernière que l’enquête a le plus permis de changer d’avis (après les pharmaciens) : 37% d’entre eux s’engagent à se vacciner en 2019. Les rappels de l’enquête sur la grippe et la vaccination ont eu le plus d’influence sur ces infirmiers libéraux convertis.
Quant aux 63% de non vaccinés en 2018 qui ne changent pas d’avis, des avis d’experts publiés sur un site (51%) ou des réunions d’informations scientifiques avec des experts (29%) pourraient, éventuellement, les convaincre.
Ces résultats de « conversion » et d’engagement des professionnels de santé ont été obtenus, selon Philippe Mougin, parce que les questions et le « parcours » des répondants dans l’enquête, différent selon leurs réponses, ont été conçus grâce aux apports des sciences humaines et sociales.
Heroic santé, en collaboration avec l’école universitaire de management de Lille (IAE) ont utilisé des concepts comme la « soumission librement consentie » ou les travaux scientifiques qui montrent que certains arguments toucheront plus les personnes qui éprouvent de la peur face à une situation et d’autres les personnes qui la perçoivent comme un danger ou une menace, plus rationnels.
Place incontournable des infirmiers
En réponse à un appel à projet du pôle d’excellence santé de Lille, Eurasanté, sur l’innovation et la prévention, avec un volet sur la vaccination, plusieurs partenaires ont participé à la conception du questionnaire : l’UPRS pharmaciens des Hauts-de-France, le CHU de Lille, le CH de Tourcoing, deux groupes d’hospitalisation privé à but non lucratif, le Centre de ressources en antibiologie et infectiologie des Hauts-de-France, Eurasanté, Sanofi.. et l’URPS infirmiers.
« Nous avons participé, explique Marie-Odile Guillon, sa présidente, car les infirmières libérales ont une place incontournable dans la prévention et la vaccination ». Une place qu’elle voudrait consolider mais que l’ouverture de la vaccination aux pharmaciens d’officine a pourtant fragilisée, observe-t-elle : « tous les cabinets qui avaient ouvert une permanence spécifique pour la vaccination envisagent de la fermer ». Les personnes les plus vulnérables, cependant, ne se rendent pas en pharmacie…
Une version « patients » du questionnaire pourrait leur être proposée : les infirmières pourraient les aider à le remplir, souligne Marie-Odile Guillon.
La collaboration entre l’URPS infirmier et Heroic santé, spécialisée dans la recherche des zones de rupture dans les parcours de santé pourrait aussi se poursuivre sur d’autres sujets, comme par exemple la sortie des patients de chirurgie ambulatoire, qui tient particulièrement à cœur de la présidente de l’URPS.
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